Lauréat 2022

Oil Workers’ Rights Protection Organization

Azerbaïdjan
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COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Oil Workers’ Rights Protection Organization lauréat du Prix Entreprises et Droits Humains 2022

La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains

Genève, le 29 novembre 2022

À l’occasion du Forum annuel des Nations Unies (ONU) sur les entreprises et les droits de l’homme, notre fondation vient de décerner le Prix Entreprises et Droits Humains 2022 à l’association Oil Workers’ Rights Protection Organization, OWRPO (Organisation pour la défense des droits des travailleuses et des travailleurs de l’industrie pétrolière) établie en Azerbaïdjan. D’un montant de 50 000 $, ce prix salue le « travail exceptionnel d’associations de défense des droits humains qui luttent contre les atteintes aux droits humains perpétrées par les acteurs économiques ». Le prix 2022 a été annoncé à l’occasion de la session du Forum des Nations Unies consacrée aux défenseurs des droits de l’homme ainsi que par la diffusion d’une brève vidéo dans laquelle apparaissent Mirvari Gahramanli, fondatrice et présidente d’OWRPO, Phil Bloomer et Ella Skybenko. La vidéo est disponible en anglais, en russe et en azerbaïdjanais.

Fondée en 1996 par un groupe de travailleurs du pétrole, OWRPO mène une action centrée sur l’impact des compagnies pétro-gazières sur les droits humains en Azerbaïdjan. Outre sa mission de défense des droits des travailleuses et des travailleurs de ce secteur, elle revendique la surveillance publique des grands projets pétro-gaziers. Elle œuvre également pour une dépense transparente et équitable des revenus pétroliers et gaziers au profit de la société, appelant à investir davantage dans le « capital humain » de l’Azerbaïdjan (y compris dans l’éducation et la santé).

Dans une déclaration commune publiée aujourd’hui, les membres du comité consultatif de la fondation (Christopher Avery, Regan Ralph et Valeria Scorza) justifient ainsi leur choix : « Nous sommes très heureux de décerner le prix 2022 à OWRPO. Cette petite association hautement respectée effectue un travail exceptionnel de défense des droits humains dans un pays dominé par l’industrie pétrolière. »

Pour Ella Skybenko, membre du comité consultatif de la fondation, chercheuse senior et représentante chargée de l’Europe de l’Est/Asie centrale au Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme, « le professionnalisme, l’engagement et le courage de l’équipe d’OWRPO ne cessent de me surprendre. Son très impressionnant travail contribue à protéger les droits des travailleuses et des travailleurs de l’industrie pétro-gazière ainsi qu’à rendre responsables de leurs actes les compagnies qui les emploient ».

Ghada Abdel Tawab, membre du comité consultatif, est responsable du programme mondial pour l’avenir des travailleuses et des travailleurs porté par la Fondation Ford : « OWRPO mène une action impressionnante dans un contexte très difficile. Outre son travail de surveillance et d’enregistrement des violations, l’attention qu’elle accorde aux dépenses publiques financées par les recettes du secteur pétrolier introduit une approche structurelle et systémique. »

Mirvari Gahramanli, fondatrice et présidente d’OWRPO

Phil Bloomer, Directeur exécutif du Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme, s’est exprimé en ces termes : « OWRPO joue un rôle vital en Azerbaïdjan en soutenant les travailleuses et les travailleurs, en les informant sur leurs droits, en dénonçant les catastrophes au travail, mais aussi la pollution et la corruption dans le pays. Mes sincères félicitations à Mirvari et à toute l’équipe. »

Mirvari Gahramanli, fondatrice et présidente d’OWRPO a réagi ainsi à l’annonce du Prix : « Au nom d’OWRPO et des milliers de personnes que nous avons défendues pendant nos 26 années d’activité, merci pour ce prix. Il nous aidera à amplifier notre action de protection des droits des travailleuses et des travailleurs de l’industrie pétrolière et nos efforts d’incitation à la surveillance du secteur énergétique du pays par la société civile. »

OWRPO connaît les réalités du fonctionnement des compagnies pétrolières, notamment parce que c’est en tant que cadre auprès de SOCAR (la compagnie pétrolière publique azerbaïdjanaise) que Mirvari Gahramanli a fait ses débuts professionnels. Mirvari est diplômée de l’Institut azerbaïdjanais du pétrole et de la chimie (devenu l’université d’État du pétrole et de l’industrie d’Azerbaïdjan).

Les missions d’OWRPO :

  • Sensibiliser les travailleuses et les travailleurs de l’industrie pétrolière sur leurs droits.
  • Dénoncer les violations des droits des travailleuses et des travailleurs et demander réparation.
  • Attirer l’attention sur les conditions de travail dangereuses et exiger que justice soit faite pour celles et ceux qui sont tués ou blessés.
  • Braquer les projecteurs sur la pollution causée par les compagnies pétrolières et ses conséquences pour la santé.
  • Apporter une assistance juridique aux travailleuses et aux travailleurs victimes de violations de leurs droits (en 2021, assistance à 65 personnes dans 54 plaintes différentes).
  • Réclamer une réforme de la loi.
  • Revendiquer la surveillance publique des grands projets pétroliers, y compris ceux qui reçoivent des fonds d’institutions financières internationales.
  • Lutter contre la corruption.
Séminaire pour femmes autour des droits du travail et des lois sur le genre, animé par OWRPO

OWRPO mène ses actions dans un contexte difficile. En 2013, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (Suisse) a diffusé une alerte au sujet de l’agression en Azerbaïdjan du petit-fils de 17 ans de Mirvari Gahramanli, présidente d’OWRPO. L’alerte expliquait que deux hommes s’étaient approchés de l’adolescent, l’avaient saisi par l’épaule et lui avaient « conseillé » d’apprendre à sa mère et à sa grand-mère « comment parler à la presse ». « Ils l’auraient menacé de lui couper la langue pour faire taire sa mère. Puis ils l’ont roué de coups au niveau de l’épaule et du cou. » L’alerte concluait : « L’Observatoire condamne l’agression de Jamal Azizov et les menaces proférées à l’encontre de Mesdames Matanat Azizova (sa mère, directrice du Centre de crise pour femmes [Women’s Crisis Center] et Mirvari Gahramanly (sa grand-mère), et craint qu’il s’agisse d’une tentative pour réduire au silence les deux femmes dans leurs efforts de dénonciation des violations des droits humains. Mme Gahramanly a en effet récemment publié plusieurs articles et interviews sur la violation des droits des femmes et le harcèlement sexuel au sein de la Compagnie pétrolière nationale… » En 2014, Mirvari s’est vu refuser l’accès à son compte bancaire personnel et à celui d’OWRPO. La même année, le Groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme s’est déclaré préoccupé par les restrictions imposées aux défenseurs des droits de l’homme actifs dans ce domaine en Azerbaïdjan. En décembre 2018, une coalition de défenseurs des droits de l’homme a condamné une campagne injurieuse et calomnieuse lancée contre Mirvari dans les médias pro-gouvernementaux parce qu’OWRPO avait dénoncé le non-respect des normes environnementales par SOCAR. Le rapport 2021/2022 d’Amnesty International sur l’Azerbaïdjan déclare : « ceux et celles qui critiquent le gouvernement sont encore persécutés et harcelés… les restrictions arbitraires continuent de saboter le travail des défenseurs des droits humains et des ONG. »

Sexisme : Dans un rapport de mars 2020 (couvrant 2019), OWRPO faisait état de la diminution du nombre de femmes employées par SOCAR par rapport aux années précédentes. Un seul cadre supérieur sur 14 était une femme à SOCAR, deux sur 14 chez BP Azerbaijan. OWRPO faisait remarquer que, au 1er janvier 2021, les femmes comptaient pour 16 % seulement de l’effectif de SOCAR. OWRPO a pris en charge de nombreux cas de harcèlement sexuel, dont celui d’une blanchisseuse employée sur une plateforme de SOCAR. Elle aurait été sexuellement harcelée par le chef adjoint du site et licenciée après s’être plainte. L’insulte alors ressentie par cette femme l’a poussée à une tentative de suicide. OWRPO s’est occupée avec SOCAR de son dossier et elle a pu reprendre son travail.

L’incendie de la plateforme No 10 de Guneshli (photo : Wikipédia)

Catastrophes au travail : Entre autres exemples, OWRPO a joué un rôle important après l’incendie catastrophique de 2015 sur la plateforme no 10 de SOCAR située en eaux profondes dans le champ pétrolifère de Guneshli. L’accident aurait fait 30 morts (12 corps retrouvés, 18 portés disparus) et de nombreux blessés. Lorsque l’incendie s’est déclaré, des ouvriers présents sur la plateforme ont contacté OWRPO, qui a été la première à diffuser l’information au public alors que SOCAR s’est plus ou moins tue sur le sujet. Plus tard, avec le concours d’un groupe d’experts, OWRPO a publié un rapport détaillé analysant la catastrophe et dénonçant les manquements aux lois dont le respect aurait évité les pertes de vies. Le rapport faisait état d’ouvriers blessés, dont beaucoup de grands brûlés, qui n’ont reçu aucune aide financière et psychologique.

L’un des ouvriers blessés lors de l’incendie de la plateforme de Guneshli

Un large éventail de sujets de préoccupation : OWRPO publie ses rapports détaillés sur son site, en anglais et en azerbaïdjanais. Parmi les sujets soulevés par l’association ces quelques dernières années :

  • « Les syndicats ne jouent presque aucun rôle dans la protection des droits des salariés. » Le pays manque de syndicats indépendants.
  • Par peur de perdre leur emploi, les salariés n’ont pas recours aux mécanismes de réclamations.
  • « L’une des principales causes de discrimination dans le secteur extractif est le népotisme, qui se manifeste plus particulièrement dans le recrutement, le paiement des salaires et la résiliation des contrats de travail. »
  • « Des discriminations contre les travailleurs locaux sont également observées au sein des compagnies étrangères qui participent aux projets pétroliers. »
  • Le nombre officiel déclaré d’accidents du travail graves et mortels est inférieur au nombre réel ; les accidents sont très souvent cachés.
  • Les ouvriers de SOCAR sont forcés à s’affilier au parti au pouvoir (Parti du nouvel Azerbaïdjan).
  • « La persécution de salariés à cause de leurs opinions politiques est chose courante. »
Champ pétrolifère pollué en Azerbaïdjan (photo : Bruce Brander / Science Photo Library)

Pollution et santé publique : Le plus récent rapport annuel d’OWRPO couvre 2021 et répertorie les compagnies pétrolières condamnées à des amendes pour violations environnementales en Azerbaïdan, dont SOCAR, BP Azerbaijan, Bahar Energy (filiale de la compagnie texane Greenfields Petroleum), Salyan Oil (qui appartient à SOCAR et à China National Oil & Gas Exploration and Development), Neftechala (qui appartient à SOCAR, Roussneft [Russie] et d’autres) et trois entreprises appartenant à SOCAR et Union Grand Energy (Singapour) : Surakhani Oil, AzGerneft, Balakhani Operating Company.

Un rapport d’OWRPO en 2018 faisait observer que « le secteur extractif est le secteur le plus pollueur du pays », mais que les compagnies sont simplement condamnées à payer des amendes au lieu d’être poursuivies en justice. Le rapport constatait par ailleurs que des experts indépendants et les autorités publiques azerbaïdjanaises avaient établi que la production pétro-gazière avait « des effets très lourds » sur la santé en raison des niveaux élevés de pollution de la terre, de l’air et de l’eau. Une analyse comparative détaillée effectuée par un expert d’OWRPO  (« Les effets de la production pétro-gazière sur l’environnement et la santé humaine »), axée en particulier sur les taux de décès, de pathologies respiratoires et de maladies cardiovasculaires, a constaté que les habitants des régions productrices de pétrole en Azerbaïdjan avaient considérablement plus de problèmes de santé que ceux des autres régions du pays.

Liste complète des nominations pour le prix 2022

Liste des organisations nominées pour le Prix des Entreprises et Droits Humains 2021 par les membres du comité consultatif de la fondation. Chacune de ces organisations réalise un travail fondamental et mérite une reconnaissance internationale.

Le prix change de région chaque année : après les pays de l’ex-Union soviétique en 2022, il sera décerné à une organisation d’Amérique latine et des Caraïbes en 2023.

À propos de la fondation :

La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains est une fondation indépendante à but non lucratif. Afin de préserver son indépendance, elle n’accepte aucun don de la part de gouvernements ou d’entreprises. Cette page présente les membres du comité consultatif de la fondation, originaires des quatre coins du monde. Contact : contact@humanrightsandbusinessaward.org

Oil Workers’ Rights Protection Organization (OWRPO) est le cinquième lauréat du prix annuel. Les lauréats précédents sont :

2021 : AFREWATCH (République démocratique du Congo)

2020 : Migrant Workers Rights Network (MWRN) (Thaïlande)

2019 : Al-Haq (Palestine)

2018 : Justiça nos Trilhos (Brésil)

Monument à la mémoire des victimes de l’incendie de la plateforme de Guneshli