Lauréat 2020

Migrant Workers Rights Network

Thaïlande

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le Migrant Workers Rights Network, lauréat du Prix Entreprises et Droits Humains 2020

La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains

Genève, le 17 novembre 2020

À l’occasion du Forum annuel des Nations Unies (ONU) sur les entreprises et les droits de l’homme, notre fondation vient de décerner le Prix Entreprises et Droits Humains 2020 au Migrant Workers Rights Network (MWRN) (le Réseau pour les droits des travailleurs migrants). D’un montant de 50 000 $, ce prix salue « le travail exceptionnel d’associations de défense des droits humains qui luttent contre les atteintes aux droits humains perpétrées par les acteurs économiques ». L’annonce du prix 2020 a été faite par le conseil d’administration de la fondation dans une brève vidéo en anglais, qui figure aussi la réaction des responsables du MWRN à la réception de cette récompense. Cette vidéo est également disponible en thaï et en birman.

Dans une déclaration commune publiée aujourd’hui, les membres du conseil d’administration de la fondation — Christopher Avery, Regan Ralph et Valeria Scorza — justifient ainsi leur choix : « Nous félicitons le MWRN pour son travail remarquable en faveur d’un traitement juste et humain des travailleurs et travailleuses migrant·e·s en Thaïlande. En rendant hommage cette année au MWRN, ce prix nous rappelle tout ce qui reste à accomplir pour mettre fin aux discriminations et abus qu’endurent en permanence les travailleurs et travailleuses migrant·e·s en Thaïlande et ailleurs dans le monde. »

Les réalisations du Migrant Workers Rights Network (MWRN)

Le MWRN est une organisation locale qui œuvre avec ses membres à protéger les droits des travailleurs et travailleuses migrant·e·s, originaires pour la plupart de Birmanie, qui vivent et travaillent en Thaïlande. Il a été fondé en 2009 par neuf migrants birmans qui ont constaté l’exploitation massive et le traitement abusif de leurs semblables en Thaïlande, notamment dans les secteurs de l’industrie, de la pêche, de l’agriculture et de la construction. Ces leaders ont décidé que l’autonomisation des travailleurs et travailleuses migrant·e·s constituait pour ces derniers la meilleure protection. Aujourd’hui, la direction et la gestion de l’organisation demeurent assurées par des travailleurs et travailleuses migrant·e·s.

Le MRWN forment les travailleurs et travailleuses migrant·e·s sur leurs droits, les aide à négocier avec les employeurs et l’administration, enquête sur les abus, milite en faveur d’un changement de politique et promeut l’accès à la justice. L’organisation les aide également à recourir aux mécanismes de règlement des conflits avec leur employeur et aux procédures judiciaires. Enfin, elle lutte contre le trafic de personnes et le travail forcé.

Axée sur l’export, l’économie thaïlandaise repose sur quelque 4 millions de travailleurs et travailleuses migrant·e·s venant des pays frontaliers, dont 2,3 millions originaires de Birmanie. Au sein de cette population en Thaïlande, le MRWN a recensé de nombreuses victimes d’infraction aux normes internationalement reconnues en matière de droits humains et de droit du travail, dont des discriminations, des frais excessifs de recrutement entraînant la servitude pour dettes, des heures supplémentaires imposées, des déductions illégales de salaire, des rémunérations inférieures au minimum vital, la confiscation du passeport et la limitation de la liberté de mouvement.

Dans certains secteurs d’activités, les conditions de travail sont particulièrement dangereuses. En 2019, Aung Kya, un responsable du MWRN, affirmait que : « Des mains et des jambes se retrouvent arrachées par les machines, et les fonctionnaires [de l’inspection du travail] ne remplissent pas correctement leur mission de vérification des équipements ». Certaines entreprises n’ont pas compensé leurs salarié·e·s victimes d’accidents du travail.

Des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses migrant·e·s ont bénéficié des interventions du MWRN et ont ainsi pu faire valoir leurs droits. Grâce aux pressions qu’elle a exercées sur le patronat thaïlandais pour qu’il améliore ses pratiques, ainsi que sur les acheteurs internationaux de produits importés de Thaïlande, l’organisation est parvenue à améliorer les normes sectorielles dans de nombreux cas. Malheureusement, la plupart des entreprises continuent de s’appuyer principalement sur des audits indépendants et des ententes volontaires pour améliorer les conditions de travail plutôt que sur des accords contraignants avec les travailleurs et travailleuses qui donneraient à ces derniers accès à des recours juridiques.

Le chapitre V du rapport nommé ci-dessous illustre certaines actions et réalisations du MWRN : « Time for a Sea Change: Why union rights for migrant workers are needed to prevent forced labor in the Thai seafood industry », International Labor Rights Forum, mars 2020 (disponible en anglais et en thaï). Voir également la courte vidéo intitulée « Everyday Rights », avec Suthasinee Kaewleklai, un des coordinateurs du MWRN.

À défaut de site internet, le MWRN a une page Facebook disponible en birman et en thaï : https://www.facebook.com/mwrnorg

Des procès éprouvants intentés par les entreprises thaïlandaises aux défenseur·e·s des droits des travailleurs et travailleuses

Certaines sociétés thaïlandaises, dont l’entreprise d’ananas, Natural Fruit Company, et celle de volailles, Thammakaset, ont engagé de multiples procès contre les défenseur·e·s des droits des travailleurs et travailleuses (dont le personnel du MWRN) qui avaient dénoncé des abus de grande ampleur. Des associations internationales de défense des droits humains à l’instar d’Amnesty International, de Human Rights Watch et de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ainsi que des syndicats internationaux et d’autres ont fortement critiqué ces procès en diffamation qu’ils considèrent comme injustifiés et comme une tentative de harceler, d’intimider et de museler les travailleurs, travailleuses et défenseur·e·s des droits humains. La FIDH tient à jour en anglais et en thaï une page consacrée à Thammakaset, intitulée « Thammakaset Watch » où elle recense le harcèlement judiciaire continu que l’entreprise fait subir à des militant·e·s des droits humains, des travailleurs, travailleuses et des journalistes. En 2018, le Groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme a condamné ces procédures judiciaires intentées par les entreprises thaïlandaises, qualifiant leur utilisation comme un moyen de porter atteinte au travail légitime de défense des droits humains et à la liberté d’expression. En 2020, il a ainsi déclaré : « Nous sommes profondément préoccupés par les informations que nous continuons de recevoir quant aux poursuites infondées en diffamation qu’engage la société Thammakaset contre les défenseur·e·s des droits humains, les universitaires et les journalistes dès qu’ils expriment leur inquiétude légitime sur les conditions de travail dans cette entreprise. »

Une initiative positive menée par une société thaïlandaise et le MWRN

Le groupe de produits de la mer Thai Union, qui compte parmi ses marques internationales Chicken of the Sea, John West, Petit Navire et Rügen Fish, a collaboré avec le MWRN pour promouvoir les droits de ses travailleurs et travailleuses ainsi que le dialogue social. En 2015, Thai Union a ainsi déclaré : « Pour éduquer nos employé·e·s migrant·e·s, il est essentiel de les aider non seulement à surmonter les barrières linguistiques et culturelles, mais aussi à les informer de leurs droits dans le cadre de la loi thaïlandaise. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes associés au MWRN pour bénéficier de leur connaissance approfondie des problèmes rencontrés par les travailleurs et travailleuses migrant·e·s. » Thai Union s’est engagé à veiller à ce que l’ensemble de son personnel, tant migrant que thaïlandais, jouisse d’un emploi sûr et légal et d’un traitement digne et juste.

L’impact de la pandémie de COVID-19

Selon le MWRN, la pandémie de COVID-19 a eu des effets dévastateurs pour bien des travailleurs et travailleuses migrant·e·s en Thaïlande. Beaucoup ont perdu leur emploi et sont dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leur famille. Si un très grand nombre est exclu des mesures d’aide économique, les autres ont eu du mal à obtenir l’aide financière qui leur revenait de droit. Certaines entreprises ont contraint leurs travailleurs et travailleuses migrant·e·s à signer des lettres de démission pour éviter de leur verser des indemnités de rupture de contrat.

Commentaires sur le travail du MWRN

S’exprimant à titre personnel plutôt qu’au nom de l’organisation qui les emploie, certains membres du comité consultatif de la fondation du Prix Entreprises et Droits Humains ont ainsi fait les remarques suivantes :

  • Harpreet Kaur, spécialiste des entreprises et des droits humains, Programme des Nations Unies pour le développement – Hub régional Asie : « Le travail de défense des droits des travailleurs et travailleuses migrant·e·s que mène le MWRN est exemplaire. L’association collabore avec une variété de parties prenantes et apporte aux travailleurs et travailleuses migrant·e·s une palette complète de soutien et d’activités de plaidoyer. »
  • Joan Carling, co-présidente, Indigenous Peoples’ Major Group (IPMG) for Sustainable Development : « J’admire l’engagement tenace et la persévérance dont fait preuve le MWRN. Il s’agit d’une organisation de détenteurs et détentrices de droits qui sont profondément marginalisé·e·s au nom du profit et de la croissance économique. »
  • Maddalena Neglia, responsable mondialisation et droits humains, Fédération internationale pour les droits humains : « Le MWRN apporte depuis une dizaine d’années un soutien extraordinaire aux travailleurs et travailleuses migrant·e·s, et ce en dépit d’obstacles venant de toutes parts (des gouvernements thaïlandais et birman, ainsi que des compagnies thaïlandaises). J’ai eu l’occasion de voir de près leur travail impressionnant qui consiste à mettre au grand jour les pratiques abusives, mais aussi à proposer des solutions aux personnes concernées en Thaïlande, et ce dans un contexte extrêmement risqué. »
  • Mauricio Lazala, directeur adjoint et responsable du bureau régional Europe, Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme : « L’une des qualités singulières du MWRN c’est qu’il a été créé par des travailleurs et travailleuses migrant·e·s birman·e·s, et que ce sont ces personnes qui tiennent directement les rênes de l’organisation. »

Liste complète des nominés pour le prix 2020

Liste des organisations nominées pour le Prix Entreprises et Droits Humains 2020 par les membres du comité consultatif de la fondation. Chacune de ces organisations réalise un travail fondamental et mérite une reconnaissance internationale.


À propos de la fondation :

La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains est une fondation indépendante à but non lucratif. Afin de préserver son indépendance, elle n’accepte aucun don de la part de gouvernements ou d’entreprises. Cette page présente les membres du conseil d’administration et du comité consultatif de la fondation, originaires des quatre coins du monde. Contact : contact@humanrightsandbusinessaward.org

Le Migrant Workers Rights Network est le troisième lauréat de ce prix annuel. L’édition 2019 a été remportée par Al-Haq, une organisation indépendante palestinienne qui mène un travail de documentation et d’observation des violations du droit humanitaire international et du droit international des droits humains dans les territoires occupés palestiniens perpétrées par Israël et des multinationales. Le lauréat 2018 était l’organisation Justiça nos Trilhos qui travaille en étroite collaboration avec les communautés locales dans des régions reculées du Brésil, notamment les populations indigènes, paysannes et afro-descendantes. Elle s’efforce de lutter contre les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement commises par les entreprises minières et sidérurgiques en général, et par la multinationale Vale tout particulièrement.