COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Migrant-Rights.org, organisation de défense des droits des migrants, lauréate du Prix entreprises et Droits Humain 2024
La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains
Genève, le 25 novembre 2024
À l’occasion du Forum annuel des Nations Unies (ONU) sur les entreprises et les droits de l’homme, notre fondation vient de décerner le Prix Entreprises et Droits Humains 2024 à l’organisation de défense des droits des migrants Migrant-Rights.org. Ce prix salue le « travail exceptionnel d’associations de défense des droits humains qui luttent contre les atteintes à ces droits perpétrées par les acteurs économiques ». L’annonce du prix a été faite par une membre de l’équipe de Migrants-Rights.org et Tulika Bansal dans une vidéo de deux minutes, disponible en anglais et en arabe.
Fondée en 2007, Migrant-Rights.org lutte contre l’exploitation des travailleurs immigrés dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) : Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar. En attirant l’attention sur certains abus commis par des entreprises, sur les problèmes sous-jacents et sur la nécessité de réformer les lois et les pratiques, l’organisation a contribué à protéger les droits humains des travailleurs immigrés. Migrant-Rights.org a noué des liens solides avec les associations d’aide aux migrants et met ses connaissances au service d’organisations dans les pays d’origine afin d’éclairer les formations préalables à l’émigration et en plaidant auprès des pouvoirs publics.
Dans une déclaration commune publiée ce jour, les membres du conseil d’administration de la fondation (Christopher Avery, Regan Ralph et Valeria Scorza) justifient ainsi leur choix : « Nous félicitons Migrant-Rights.org, lauréate de notre Prix 2024. Cette organisation mène depuis de longues années une action remarquable et courageuse afin de protéger les droits des personnes vulnérables, loin de leur pays natal et de leur famille. Nous rendons hommage également aux cinq organisations citées en fin de communiqué, nominées cette année pour leur excellent travail de défense des droits fondamentaux. »
Les travailleurs immigrés représentent près de la moitié de la population des pays du CCG, et près de 90 % de la main-d’œuvre dans quelques-uns de ces pays. Présents dans tous les secteurs, ils exercent cependant surtout des emplois peu rémunérés dans la construction, l’agriculture et les services domestiques. Selon Migrant-Rights.org, les travailleurs immigrés dans la région du Golfe « sont sous-estimés, ignorés, exploités et privés de leurs droits humains les plus fondamentaux. »
Caractéristiques notables de Migrants-Rights.org :
- Ses liens étroits avec les travailleurs immigrés et les associations locales d’aide aux migrants.
- La qualité et la diversité de ses travaux de recherche et de ses actions de plaidoyer (qualifiées de « plaidoyer basé sur des solutions »). Son site, en anglais et en arabe, en est l’illustration.
- La clarté et le caractère direct de ses communications, qui dénoncent les entreprises et les gouvernements associés à certains abus et saluent les mesures positives.
- Sa promotion de la responsabilité transnationale par la collaboration avec les journalistes de tous les corridors migratoires du Golfe.
- Les sections innovantes de son site, notamment « Infographie : Analyse interactive des problèmes des migrants dans le Golfe», une « Carte des abus des droits » et « Lettres à MR » (plaintes envoyées à Migrant-Rights.org par des travailleurs immigrés).
- L’approche sensible à la problématique du genre adoptée dans l’ensemble de son action.
- Ses projets spéciaux, dans le cadre desquels elle « travaille avec les entreprises, les employeurs, les étudiants et les recruteurs du CCG à l’amélioration à la fois des conditions d’emploi des migrants et de la compréhension entre toutes les parties concernées. » Dans le cadre de son Programme Ensaniyat pour jeunes chercheurs, plus de 150 jeunes ont été sensibilisés à la problématique des travailleurs immigrés en participant au travail de recherche de Migrant-Rights.org au contact direct des travailleurs immigrés. Plus de 40 campagnes efficaces créées par ces jeunes chercheurs ont permis d’amorcer un dialogue avec les employeurs et les responsables locaux.
Fin 2023, Migrant-Rights.org a publié une mise à jour de ses guides (Connaissez vos droits) destinés aux travailleurs immigrés du CCG. Chaque livret de la série, un par pays du CCG, détaille les principaux droits des travailleurs immigrés en vertu de la législation nationale. Dans la mesure du possible, Migrant-Rights.org soutient les travailleurs dans leurs revendications en lien avec le travail, souvent en collaboration avec d’autres acteurs locaux. L’organisation a communiqué ses outils de lutte contre l’exploitation par le travail aux entreprises et à leurs donneurs d’ordres afin de les aider à améliorer leurs pratiques.
Les informations diffusées par Migrant-Rights.org sur divers sujets, notamment les accords commerciaux, les pratiques de sous-traitance et l’investissement responsable, sont autant d’exemples de l’influence que l’organisation exerce sur des stratégies plus générales afin d’améliorer la conduite des entreprises. Son action directe a permis d’obtenir des engagements concrets de la part de sociétés et de gouvernements de pays qui ont une forte présence d’entreprises dans la région. Migrant-Rights.org a également beaucoup travaillé avec les organisations internationales pour que ses sujets prioritaires soient inscrits à leur ordre du jour et pour éclairer un certain nombre d’initiatives.
Ce qui suit est un aperçu très incomplet des exposés, et articles et reportages publiés par Migrant-Rights.org au cours des dernières années.
Morts et suicides
En juin 2024, Migrant-Rights.org a publié un rapport intitulé « Incendie d’un bâtiment servant à loger des travailleurs au Koweït : au moins 49 morts et plus de 50 blessés ». La majorité des victimes de l’incendie du 12 juin étaient des travailleurs immigrés indiens. Le ministre de l’Intérieur du Koweït a déploré « la conséquence de l’avidité de l’entreprise propriétaire des lieux ». Le bâtiment surpeuplé manquait apparemment de mesures anti-incendie et d’issues de secours adéquates. Il était géré par son propriétaire, NBTC, l’une des plus grandes entreprises de construction du Koweït. Migrant-Rights.org souligne que « dans tout le Koweït et dans d’autres États du CCG, de nombreux travailleurs immigrés logent dans des bâtiments surpeuplés ou des foyers d’entreprise manquant de mesures d’hygiène et de sécurité adéquates. Les incendies, explosions de bouteilles de gaz et effondrements ne sont donc pas rares. Le logement des travailleurs est bel et bien réglementé dans les États du Golfe, mais la réglementation est mal appliquée ». En juillet 2024, Migrant-Rights.org a publié une tribune libre signée de deux experts basés au Koweït : « Visibles à condition d’être morts : Le Koweït retiendra-t-il les leçons de l’incendie de Mangaf ? Face à cette tragédie évitable, l’heure est-elle à l’action ou à l’immobilisme ? »
Un exposé publié en 2022 par Migrant-Rights.org, intitulé « Morts par suicide : Les immigrés népalais aux prises avec l’isolement, les attentes insatisfaites et les charges à payer », fait état d’« au moins 579 suicides de travailleurs immigrés népalais dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) en 11 ans. » Il pointe divers facteurs contribuant à la hausse des suicides : rudes conditions de travail, charges à payer, services de santé mentale inadéquats, isolement et attentes insatisfaites.
Dans un reportage de 2021 intitulé « Morts en série : Au Qatar, les actes de décès des travailleurs immigrés sont l’expression même du déni », accompagné d’une vidéo de 2 minutes sur le sujet, Migrant-Rights.org écrit : « Un nombre croissant de décès de travailleurs immigrés népalais au Qatar et dans d’autres pays du CCG sont inexpliqués depuis quelques années. Au Népal et dans les autres pays du CCG, les pouvoirs publics négligent d’en établir les causes. »
En 2018, Migrant-Rights.org a publié un rapport intitulé « Mort et désolation : La condition des bergers et des ouvriers agricoles en Arabie saoudite », avec en sous-titre « Explicitement exclus du droit du travail et souvent isolés, les bergers et les travailleurs agricoles qui aident à nourrir l’Arabie saoudite endurent des conditions de travail et de vie dangereuses ». ll cite l’exemple de Kattayandan Subair, forcé de travailler en tant que berger dans une zone isolée du désert et qui dénonçait un logement inadapté pour la survie humaine, ajoutant que « la chaleur était intense au point de brûler les poils de mon corps et le froid était tel en hiver que l’eau se transformait en glace ». Les médias saoudiens relatent souvent la mort de bergers par manque de protection adéquate contre les conditions météorologiques extrêmes et les catastrophes naturelles.
Santé : De nombreux articles publiés par Migrant-Rights.org font état de préoccupations et de problèmes sanitaires concernant les travailleurs immigrés. Trois exemples :
- Impacts sanitaires du climat : un article de Migrant-Rights.org publié en 2024 intitulé « De mal en pis : des villages népalais dévastés par le climat à la chaleur extrême du Golfe, les travailleurs risquent leur vie pour pouvoir gagner leur vie » révèle que les Népalais fuient « une catastrophe climatique pour en subir une autre, la hausse des températures dans le Golfe aggravant des conditions de travail déjà dangereuses ». L’article parle du vécu d’ouvriers immigrés népalais en Arabie saoudite, aux EAU et au Qatar. L’un d’entre eux, qui travaillait pour la compagnie pétrolière publique saoudienne Aramco et avait été engagé par la société L&T Hydrocarbon, basée en Inde, dit avoir du mal à respirer quand il doit travailler dehors par une chaleur extrême dépassant parfois 50°C, avec peu de possibilités de repos. « La peur s’empare de lui quand il voit ses collègues s’effondrer [de fatigue] sous l’effet de la chaleur. » Les lois saoudiennes interdisent le travail à l’extérieur entre midi et 15 heures durant les mois d’été « mais les travailleurs disent que cette interdiction n’est pas pleinement respectée et que cela ne serait de toute manière pas suffisant pour assurer leur sécurité. »
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Impacts sanitaires du travail dans les bars à shisha/hookah : dans un reportage publié en 2019 sous le titre « Travailler dans les bars à shisha : une mort lente ? », accompagné d’une courte vidéo, Migrant-Rights.org attire l’attention sur les niveaux très élevés de monoxyde de carbone détectés chez les travailleurs immigrés employés dans ces bars devant inhaler la lourde fumée dégagée par les clients ; un tabagisme passif qui augmente le risque de cancer du poumon, de maladies respiratoires et cardiovasculaires, et de mort précoce. « Aucun des travailleurs auxquels Migrant-Rights.org a parlé dans les différents pays ne connaissait la nature de leur travail au moment de signer le contrat dans leur pays d’origine. Ils étaient pour la plupart des non-fumeurs. »
- Couverture santé : en 2023, Migrant-Rights.org a publié la première « Comparaison de la couverture de santé des travailleurs immigrés dans les pays du CCG » (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar).
Vol de salaires : Migrant-Rights.org considère le vol de salaires comme « l’une des formes les plus répandues d’exploitation par le travail dans les pays du CCG avec des répercussions considérables au-delà des frontières contraignant les familles à la misère. » L’organisation a publié plusieurs articles sur le sujet :
- Des travailleurs de la société de construction G.P. Zachariades (GPZ) au Bahreïn, venus d’Inde, du Népal, du Bangladesh et du Pakistan, se sont trouvés bloqués dans un camp de travail désaffecté alors qu’ils attendaient le paiement de leurs salaires et de leurs prestations sociales. Le gouvernement du Bahreïn n’avait pas payé certains chantiers publics à GPZ. Un ancien employé de GPZ, Muhammad Elias, est décédé un an après son retour du Bahreïn au Bangladesh ; il avait dû renoncer à une intervention chirurgicale vitale par manque de moyens, alors que ses arriérés de salaire auraient suffi. Muhammad aurait dit à son fils : « J’ai passé toute ma vie dans un pays étranger pour ma famille, et maintenant, à la fin de ma vie, je ne peux même pas subvenir à ses besoins. »
- Un grand nombre d’ouvriers des entreprises de construction au Qatar ont été renvoyés au Népal sans salaire juste avant la Coupe du monde de football 2022.
Exploitation des travailleurs des plateformes de transport individuel de personnes et de livraison : exemples d’articles publiés par Migrant-Rights.org sur le sujet :
- « Les plateformes de transport individuel de personnes au Qatar : Gros bénéfices, mauvaise éthique – Über et Careem facilitent la violation des droits du travail de leurs chauffeurs » (2022)
- « De rares manifestations de livreurs des plateformes Deliveroo et Talabat à Dubaï lèvent le voile sur l’exploitation des travailleurs à la demande » (2022)
Vente en ligne de travailleurs domestiques : Migrant-Rights.org a enquêté et dénoncé le fait que Google, Apple et Instagram (Meta/Facebook) facilitaient l’achat et la vente en ligne de travailleurs domestiques dans le Golfe, en attirant notamment l’attention sur le reportage d’investigation de la BBC : « Domestiques à vendre : comment la Silicon Valley facilite les marchés aux esclaves en ligne ».
- « Le Koweit et l’Arabie saoudite réagissent à l’enquête de la BBC sur le commerce des domestiques en ligne : les mesures prises en réaction à la vente en ligne de travailleurs domestiques ne résoudront pas nécessairement les causes profondes du problème » (2019)
Pandémie de COVID‑19 : pendant la pandémie, période marquée par l’abandon à grande échelle des travailleurs par leurs employeurs, Migrant-Rights.org a dénoncé la négligence des entreprises et directement aidé les migrants dans le besoin. L’organisation a nourri, hébergé et rapatrié plus de 3 000 travailleurs. Elle a également conseillé et accompagné plus de 200 travailleurs ayant déposé des plaintes concernant leur emploi. Trois exemples de reportages de Migrant-Rights.org pendant la pandémie : « À l’heure où l’économie souffre, même les entreprises rentables des EAU abandonnent leurs employés » ; « Des employés de restaurants au bord de la famine en Arabie saoudite » ; et « Pertes d’emploi et vols de salaires : la sinistre réalité du secteur de la restauration au Koweït. »
Liste complète des nominés pour le prix 2024
Liste des organisations nominées pour le Prix Entreprises et Droits Humains 2024 par les membres du comité consultatif de la fondation. Chacune de ces organisations réalise un travail fondamental et mérite une reconnaissance internationale.
- 7amleh (le Centre arabe pour l’avancement des réseaux sociaux) – Palestine
- Migrant-Rights.org – pays du Conseil de coopération du Golfe – LAURÉATE
- Global Echo Litigation Center, programmation et focus sur la Palestine – États-Unis, avec du personnel dans la Bande de Gaza
- Syrian Legal Development Programme (SLDP), programmation et focus sur la Syrie– Royaume-Uni
- Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux (FTDES) – Tunisie
Le prix change de région chaque année : après la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, il sera décerné à une organisation d’Asie en 2025.
À propos de la fondation
La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains est une fondation indépendante à but non lucratif. Afin de préserver son indépendance, elle n’accepte aucun don de la part de gouvernements ou d’entreprises. Cette page présente les membres du comité consultatif de la fondation, originaires des quatre coins du monde. Contact : contact@humanrightsandbusinessaward.org
Migrant-Rights.org est le septième lauréat du prix annuel. Les lauréats précédents sont :
- 2023 : OFRANEH (Organización Fraternal Negra Hondureña / Organisation fraternelle noire du Honduras) (Honduras)
- 2022 : Oil Workers’ Rights Protection Organization (OWRPO) (Azerbaïdjan)
- 2021 : AFREWATCH (République démocratique du Congo)
- 2020 : Migrant Workers Rights Network (MWRN) (Thaïlande)
- 2019 : Al-Haq (Palestine)
- 2018 : Justiça nos Trilhos (Brésil)