Lauréat 2019

Al-Haq

Palestine

L’organisation Al-Haq, lauréate du Prix Entreprises et Droits Humains 2019

La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains

Genève, le 26 novembre 2019 – À l’occasion du Forum annuel des Nations Unies (ONU) sur les entreprises et les droits de l’homme qui se tient à Genève, notre fondation vient de décerner le Prix Entreprises et Droits Humains 2019 à l’organisation Al-Haq. Basée à Ramallah (en Cisjordanie), Al-Haq, dont le nom signifie « Le Droit au service de l’Homme » est une organisation indépendante palestinienne créée en 1979 pour « protéger et promouvoir les droits humains et la primauté du droit dans les territoires palestiniens occupés ». Elle mène un travail de documentation et d’observation des violations du droit humanitaire international et du droit international des droits humains dans les territoires palestiniens occupés. Al-Haq œuvre à faire cesser les violations à l’encontre du peuple palestinien qu’elles soient commises par Israël, l’Autorité palestinienne ou par d’autres, notamment des entreprises.

D’un montant de 50 000 $, ce prix distingue « le travail exceptionnel d’associations de défense des droits humains qui, dans les pays du Sud ou de l’ex-URSS, luttent contre les atteintes aux droits humains perpétrées par les acteurs économiques ».

Ces dernières années, Al-Haq a réalisé un travail d’alerte sans précédent sur l’implication de certaines entreprises implantées dans les territoires palestiniens occupés, y compris celles qui commercent avec ou dans les colonies israéliennes, dans des violations des droits humains et des infractions au droit humanitaire international, notamment le Règlement de La Haye et la Quatrième convention de Genève.

Dans une déclaration commune publiée aujourd’hui, les membres du conseil d’administration de la Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains — Christopher Avery, Regan Ralph et Valeria Scorza — justifient ainsi leur choix : « L’organisation Al-Haq effectue un travail remarquable dans des conditions difficiles, fondant son travail de recherche et de plaidoyer sur le droit international. Il est encourageant de voir qu’un nombre croissant de défenseurs des droits humains au Moyen-Orient s’intéresse aux comportements des entreprises : Al-Haq est d’ailleurs un chef de file reconnu dans ces avancées. »

Les membres du comité consultatif de la Fondation à l’origine de la nomination d’Al-Haq pour ce prix ont loué l’organisation pour :

  • son professionnalisme, ses recherches méticuleuses et la détermination dont elle fait preuve dans ses activités de plaidoyer ;
  • son vaste réseau de chercheurs et chercheuses sur le terrain qui contrôlent de près les activités des entreprises et leurs incidences sur la population, dans diverses communautés des territoires palestiniens occupés ;
  • sa contribution au projet de traité sur les entreprises et les droits de l’homme en cours de rédaction à l’ONU, et
  • ses activités de renforcement des capacités destinées à aider d’autres ONG du Moyen-Orient à développer leur action relative aux questions sur les droits humains et les entreprises.

S’il s’agit du premier prix à récompenser spécifiquement le travail d’Al-Haq sur les entreprises et les droits humains, l’organisation a toutefois reçu par le passé de prestigieuses distinctions pour l’ensemble de son action, notamment :

  • Le Prix des droits de l’homme de la République française 2018, décerné conjointement par le gouvernement français à Shawan Jabarin (directeur général d’Al-Haq) et à Hagai El-Ad (directeur exécutif de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem).
  • Le Geuzen Award 2009 remis conjointement à Al-Haq et à B’Tselem. Ce prix néerlandais récompense ceux qui luttent pour la démocratie et combattent la dictature, le racisme et les discriminations. Il tient son nom d’un groupe de résistants néerlandais pendant la Deuxième Guerre mondiale dont les membres ont été exécutés par l’armée allemande.
  • Le Reebook Human Rights Award 1990 attribué à Shawan Jabarin, directeur général d’Al-Haq. Cette récompense met à l’honneur les jeunes activistes de moins de 30 ans qui défendent les droits humains en prônant la non-violence.
  • Le Carter-Menil Human Rights Prize 1989 décerné conjointement aux organisations Al-Haq et B’Tselem. Ce prix, fondé par l’ancien président des États-Unis Jimmy Carter et la philanthrope Dominique de Menil, a pour vocation de « promouvoir la défense des droits humains dans le monde entier ».

Lors de la cérémonie de remise du Prix des droits de l’homme de la République française 2018, Shawan Jabarin a déclaré : « C’est un grand honneur pour Al-Haq de recevoir ce prix prestigieux conjointement avec nos collègues de B’Tselem, qui sont nos partenaires dans la lutte pour la justice et un avenir meilleur contre l’oppression et l’occupation. Ensemble, nous œuvrons à mettre fin à cette culture de l’impunité pour qu’un jour le peuple palestinien puisse jouir pleinement de ses droits humains. »  Dans cette vidéo, le directeur général d’Al-Haq répond aux questions d’un journaliste à l’occasion de la cérémonie de remise du Prix des droits de l’homme de la République française 2018.

Du fait de leur engagement en faveur des droits humains, Al-Haq et son personnel ont été pris pour cibles. À maintes reprises, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (ci-après l’Observatoire) a exprimé son inquiétude au regard des attaques et menaces dont a fait l’objet Al-Haq, y compris plusieurs menaces de mort proférées contre son directeur général, Shawan Jabarin, et son représentant devant la Cour pénale internationale. En juillet 2019, l’Observatoire a lancé un appel urgent après que la publication par 4IL, le site officiel du ministère israélien des Affaires stratégiques, d’un article accusant Shawan Jabarin de « terrorisme » a provoqué la profération de menaces de mort à l’encontre de ce dernier sur les plateformes publiques du site. « Les internautes de la plateforme de 4IL se sont livrés à des incitations à la violence et à la haine contre Al-Haq, appelant notamment à l’assassinat de M. Shawan Jabarin. Ces commentaires n’ont été ni filtrés ni régulés par les modérateurs de 4IL. »  L’Observatoire a également signalé les cyberattaques menées contre Al-Haq, le piratage de la messagerie électronique, des lignes fixes et des téléphones portables des salariés de l’organisation, ainsi qu’une campagne de diffamation consistant à envoyer aux donateurs européens d’Al-Haq de fausses allégations contre l’ONG. Ces dernières étaient censées émaner de la compagnie Ernst & Young et d’un prétendu représentant de l’Autorité palestinienne qui ont confirmé par la suite qu’elles étaient fallacieuses et infondées. Il mérite d’être noté que Shawan Jabarin a été sous le coup d’une interdiction par Israël de voyager à l’internationale entre 2006 et 2012.

Les travaux de recherche et de plaidoyer d’Al-Haq exprimant son inquiétude à l’égard de l’implication d’entreprises dans des violations des droits humains et le non-respect du droit humanitaire sont recensés sur le site de l’association dans cette partie. Y figurent notamment :

  • Les demandes d’Al-Haq à des entreprises de se retirer du projet de tramway de Jérusalem dans la mesure où il traverse les territoires palestiniens occupés, relie les colonies israéliennes construites sur les terres palestiniennes, fragmente ces dernières et restreint la liberté de circulation des Palestinien·ne·s, comme en attestent notamment les communiqués de l’organisation datant de février 2019 et mai 2019 au sujet du groupe canadien Bombardier. Outre ce dernier, les sociétés à s’être retirées de l’appel d’offres pour la prochaine phase du projet de tramway comptent les entreprises françaises Alstom et Systra, le groupe allemand Siemens et la compagnie australienne Macquarie. En 2012, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU s’était dit « profondément préoccupé » par « [la] décision israélienne d’édifier et d’exploiter une ligne de tramway entre Jérusalem-Ouest et la colonie israélienne de Pisgat Zeev, en violation flagrante du droit international et des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies » (Résolution 19/17, 4e paragraphe, alinéa e).
  • L’envoi de commentaires et de propositions en 2019 au groupe de travail de l’ONU chargé du projet de traité sur les entreprises et les droits de l’homme, et la poursuite de son travail de plaidoyer et d’analyse sur le sujet.
  • L’envoi d’une proposition en 2019 au Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en faveur d’un traité sur le droit au développement.
  • L’expression de ses craintes, dans une déclaration de 2019 sur Airbnb et dans une lettre adressée à Booking.com en 2019 que ces entreprises, en proposant à la location des propriétés situées dans des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, enfreignent le droit international.
  • Ses actions de plaidoyer en 2018 et ses travaux de recherche sur la proposition de loi irlandaise en 2018 sur le Contrôle de l’activité économique (Territoires occupés) en vue d’interdire l’importation en Irlande de produits et de services provenant des colonies.
  • Ses activités de plaidoyer, avec la publication notamment d’un document d’information commun publié en 2018, auprès de la Commission du droit international (CDI) en faveur de l’inscription de la responsabilisation des entreprises dans son projet de principes sur la protection de l’environnement en période de conflits armés. Ce principe figurait d’ailleurs parmi ceux adoptés en 2019 par la CDI.
  • Le dépôt d’un dossier en 2018 auprès de la Cour pénale internationale sur le pillage présumé des ressources palestiniennes par des acteurs privés, dont Israël et des multinationales.
  • L’envoi d’une lettre en 2018 à Honda Motor Co. révélant la complicité de l’entreprise (via sa filiale israélienne Mayer) dans les violations du droit humanitaire international perpétrées dans les colonies israéliennes situées dans les territoires palestiniens occupés. La compagnie japonaise n’a pas répondu aux préoccupations exprimées par Al-Haq et ce malgré les sollicitations du Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme.
  • L’expression de ses craintes en 2018 à l’égard de l’entreprise chinoise Hubey Pengdun Group quant à son partenariat avec un établissement viticole situé dans une colonie israélienne dans les territoires palestiniens occupés dans un communiqué  intitulé : « Grapewashing the Occupation: The Case of the Chinese Hubey Pengdun Group ».
  • Sa réponse en 2017 à la multinationale allemande HeidelbergCement qui, avec ses carrières dans les territoires palestiniens occupés, confisque les ressources naturelles en violation du droit international. En juin 2015, KLP, le plus grand fonds de pension norvégien, a exclu HeidelbergCement de son portefeuille d’investissement en raison de ces opérations en Cisjordanie occupée.
  • L’envoi d’une lettre en 2015 exhortant le gouvernement néerlandais à empêcher des sociétés des Pays-Bas d’exporter des chiens destinés aux forces de sécurité israéliennes, en raison de leur utilisation pour attaquer et intimider la population civile palestinienne. Le courrier inclut des liens vers des vidéos retransmettant l’attaque par les chiens d’une femme de 53 ans et d’un jeune homme de 20 ans.
  • La publication d’un rapport en 2013 sur l’appropriation discriminatoire de l’eau par Mekorot, la compagnie nationale de l’eau israélienne, en Cisjordanie occupée (l’eau étant destinée à la vente aux colons israéliens) : Water For One People Only: Discriminatory Access and ‘Water-Apartheid’ in the OPT [Occupied Palestinian Territory].

Droit international relatif aux entreprises commerçant avec les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés :

Nations Unies : Dans son rapport de 2018 sur les entreprises liées à l’Occupation (document de l’ONU A/HRC/37/39, paragraphe 41), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a constaté que : « au vu de l’ampleur du consensus juridique international concernant la nature illégale des colonies elles-mêmes, et du caractère systémique et généralisé de leurs incidences sur les droits de l’homme, on imagine difficilement qu’une entreprise puisse prendre part aux activités énumérées tout en respectant les Principes directeurs [relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme] et le droit international. »

Amnesty International : « L’établissement et le maintien par Israël de colonies [dans les territoires palestiniens occupés] enfreignent les règles du droit international régissant ce qu’une puissance occupante peut faire en situation d’occupation militaire. Cela constitue des crimes de guerre. Par ailleurs, outre l’illégalité inhérente des colonies elles-mêmes, les activités économiques des colonies sont intrinsèquement liées à des violations graves et systématiques des droits humains commises à l’encontre du peuple palestinien. Compte tenu de ces circonstances, les entreprises ne peuvent pas commercer avec ou dans les colonies sans contribuer à de graves violations du droit humanitaire international et du droit international des droits humains. » (Think Twice: Can companies do business with Israeli settlements in the Occupied Palestinian Territories while respecting human rights?, Amnesty International United Kingdom, 2019, p. 2). Le deuxième chapitre de ce rapport intitulé, « Facts on the ground: What human rights issues do these settlements raise ? » dépeint la manière dont ces colonies portent atteinte à de nombreux droits humains.


Informations complémentaires sur AL-HAQ

Site internet : http://www.alhaq.org

Affiliations : Al-Haq est membre de :

  • La Commission Internationale de Juristes
  • La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
  • L’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)
  • L’Observatoire EuroMed Droits
  • Le Réseau international pour les droits économiques, sociaux et culturels (Réseau-DESC)
  • La Coalition Internationale de l’Habitat (HIC)
  • Palestinian NGO Network (PNGO)
  • Palestinian Human Rights Organisations Council (PHROC)

À PROPOS DE LA FONDATION

La Fondation du Prix Entreprises et Droits humains est une fondation indépendante à but non lucratif. Afin de préserver son indépendance, elle n’accepte aucun don de la part de gouvernements ou d’entreprises. Cette page recense les membres du conseil d’administration et du comité consultatif de la fondation, originaires des quatre coins du monde. Contact : contact@humanrightsandbusinessaward.org

Al-Haq est le second lauréat de ce prix. Le lauréat 2018 était l’organisation Justiça nos Trilhos qui travaille en étroite collaboration avec les communautés locales dans des régions reculées du Brésil, notamment les populations indigènes, paysannes et afro-descendantes. Elle s’efforce de lutter contre les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement commises par les entreprises minières et sidérurgiques en général, et par la multinationale Vale tout particulièrement.