Lauréat 2021

AFREWATCH

République démocratique du Congo

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFREWATCH, lauréat du Prix Entreprises et Droits Humains 2021  

La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains

Genève, le 30 novembre 2021

À l’occasion du Forum annuel des Nations Unies (ONU) sur les entreprises et les droits de l’homme, notre fondation vient de décerner le Prix Entreprises et Droits Humains 2021 à l’ONG AFREWATCH (Observatoire Africain des Ressources naturelles) établie en République démocratique du Congo (RDC). D’un montant de 50 000 $, ce prix salue le « travail exceptionnel d’associations de défense des droits humains qui luttent contre les atteintes aux droits humains perpétrées par les acteurs économiques ». L’annonce du prix 2021 a été faite par deux membres du comité consultatif dans une brève vidéo, en anglais et en français, où figure également le directeur exécutif d’AFREWATCH acceptant cette récompense au nom de l’organisation.

Dans une déclaration commune publiée aujourd’hui, les membres du conseil d’administration de la fondation (Chris Avery, Regan Ralph et Valeria Scorza) justifient ainsi leur choix : « Cette année, nous avons eu beaucoup de mal à choisir le lauréat compte tenu de la qualité des actions de défense des droits humains en relation avec le secteur privé menées par de nombreuses organisations africaines. Nous félicitons AFREWATCH, qui mérite amplement ce prix, et saluons toutes les organisations nominées cette année. » 

Pour Abiodun Baiyewu, membre du comité consultatif de la fondation, Coprésidente du groupe de pilotage de la Coalition Africaine pour la Redevabilité des Entreprises et Directrice exécutive de Global Rights, « AFREWATCH est une organisation formidable qui fait un travail courageux. Sa cohérence et sa ténacité dans un environnement souvent hostile la rendent chère à mon cœur. »

Seema Joshi, membre du comité consultatif et Directrice des campagnes auprès de Global Witness est l’ancienne responsable de la branche Entreprises et Droits Humains d’Amnesty International : « “Voilà pourquoi on meurt”, le rapport sans précédent publié par Amnesty et AFREWATCH en 2016, n’aurait jamais vu le jour si ce n’est grâce au courage et au travail acharné d’AFREWATCH. AFREWATCH œuvre dans des circonstances très difficiles et ce, depuis plusieurs années. Les ONG internationales qui s’occupent des problèmes liés à l’exploitation minière en RDC connaissent bien et respectent infiniment l’organisation et son directeur exécutif Emmanuel Umpula. C’est une petite organisation parfaitement à sa place dans la cour des grands. »

Le prix change de région chaque année ; après l’Afrique subsaharienne en 2021, il sera décerné à une organisation d’Europe de l’Est/ex-Union soviétique en 2022.

 

Les réalisations d’AFREWATCH

AFREWATCH, dont le siège social est situé à Lubumbashi (sud-est de la RDC), milite pour une exploitation juste, équitable et transparente des ressources naturelles en Afrique au profit de tous. L’organisation demande aux entreprises et aux États d’intégrer les besoins des communautés locales dans leur programmation, leurs priorités et leurs opérations, et d’impliquer ces communautés dans la gestion des ressources naturelles. AFREWATCH a pour mission de protéger les droits humains et l’environnement en tenant les entreprises et les États pour responsables. Elle documente et dénonce les pratiques abusives des compagnies minières, des compagnies pétrolières et des États ; intervient auprès des agents de l’État pour plaider en faveur de l’amélioration des lois et des pratiques ; fait pression pour que les compagnies extractives paient leur juste part d’impôts ; et accompagne les organisations communautaires dans le renforcement de leurs capacités.

AFREWATCH a été louée pour la qualité exceptionnelle de son travail de recherche et de plaidoyer, et ses liens étroits avec les communautés touchées. L’organisation a attiré l’attention sur plus d’une question, dont les communautés déplacées sans indemnisation adéquate ; les conditions de travail dangereuses et parfois mortelles ; le travail des enfants ou encore la pollution des terres, de l’eau et de l’air par des substances chimiques toxiques pour la santé. Dans certains cas les compagnies minières ont été complices de meurtres, tortures, viols et autres actes de violence graves perpétrés par les forces de sécurité et les groupes armés contre les populations locales, ou les ont passés sous silence. Des ouvriers et ouvrières des mines artisanales ont été victimes de meurtres, de tirs d’armes à feu, de tortures, de coups et blessures volontaires, d’arrestations arbitraires et de détentions illégales commis par des agents de sécurité privés, mais aussi par des policiers ou militaires congolais chargés d’assurer la sécurité de ces compagnies.

En 2015 et 2016, AFREWATCH et Amnesty International ont enquêté auprès de cinq sites d’exploitation minière artisanale du cobalt (un élément métallique utilisé dans la fabrication de téléphones mobiles, ordinateurs portables et autres appareils électroniques) dans l’ancienne région congolaise du Katanga. Ensemble, les deux organisations ont rassemblé des informations sur les violations des droits humains de femmes, d’hommes et d’enfants d’à peine sept ans qui creusaient à la main pour extraire le cobalt dans des conditions extrêmement dangereuses, sans vêtements de protection et par une chaleur intense, victimes dans de nombreux cas de violences, d’extorsion et d’intimidation. Des enfants auraient travaillé jusqu’à 12 heures par jour dans les mines, à soulever des charges lourdes, pour gagner entre un et deux dollars par jour. Cette enquête a abouti à la publication en 2016 du rapport conjoint sans précédent intitulé « Voilà pourquoi on meurt » : Les atteintes aux droits humains en République démocratique du Congo alimentent le commerce mondial du cobalt. Témoignage des atteintes aux droits humains, il exhorte les grandes multinationales – dont Ahong, Apple, ATL, BYD, China BAK Battery, Daimler, Dell, HP, Huawei, L&F Material, Lenovo, LG, Microsoft, Samsung, Sony, Vodafone, Volkswagen et ZTE – à faire la lumière sur la présence ou non de cobalt provenant de cette région dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les réponses figurent en annexe du rapport. Certaines de ces sociétés déclarent enquêter sur le lien entre leur chaîne d’approvisionnement et les atteintes signalées, mais aucune n’est en mesure de vérifier indépendamment la provenance du cobalt utilisé dans ses produits. Au nombre de celles qui n’ont pas répondu au moment de la publication du rapport figurent les sociétés chinoises Ahong, BYD, China BAK Battery et ZTE ; la société hongkongaise ATL (Amperex Technology Limited) ; la Sud-Coréenne L&F Material, et Dell aux États-Unis. AFREWATCH et Amnesty International ont demandé aux entreprises d’enquêter sur le cobalt présent dans leurs chaînes d’approvisionnement, de prendre des dispositions pour identifier les atteintes aux droits humains, de faire preuve de davantage de transparence sur leurs fournisseurs et d’indemniser ceux et celles à qui leurs opérations commerciales ont porté préjudice.

Les exemples qui suivent ne sont que quelques cas parmi tant d’autres documentés dans un rapport récent d’AFREWATCH sur les sociétés de sécurité privées et les droits de l’homme dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba en RDC. Tous sont survenus à ou à proximité de la mine de Tenke Fungurume Mining (TFM), l’un des plus grands producteurs de cuivre et de cobalt en RDC. Depuis 2016, l’actionnaire majoritaire de TFM est la société chinoise China Molybdenum Company.

Romus Mukaya Sabwe
Romus Mukaya Sabwe
Frank Bwandaj Ipang
Frank Bwandaj Ipang
Romulus Ilunga Mwepu
Romulus Ilunga Mwepu
  • Le 22 août 2019, Romus MUKAYA SABWE, 10 ans, (photographié en haut à droite) jouait dans la cour, chez lui, quand il a été touché par une balle perdue qui aurait été tirée par un militaire commis à la garde de la mine de TFM. Le jeune garçon est paralysé par suite de cette blessure.
  • Le 6 juillet 2020, un militaire a tiré sur Frank BWANDAJ IPANG (photographié en bas à droite) alors que celui-ci quittait la mine pour avoir seulement versé la moitié des frais exigés pour creuser ce jour-là. Il a perdu son œil droit et a été grièvement blessé à la tête.
  • En 2017, une mineure qui a requis l’anonymat a été victime d’un viol collectif qui aurait été commis par des agents de sécurité privés de TFM et la police. Un groupe de violeurs aurait été arrêté, traduit en justice et condamné à 10 ans de prison. Au milieu de l’année 2021, la victime n’avait toujours pas été dédommagée. Selon le rapport, elle ne cessait de pleurer et est partie vivre ailleurs.
  • En 2017, cinq femmes habitant le camp des creuseurs à proximité de la carrière de Menda auraient été victimes, pendant la nuit, de viols collectifs par des militaires et des policiers armés commis à la sécurité de la mine de TFM. Certains auteurs de ces viols ont été poursuivis en justice, mais ces femmes n’ont jamais reçu réparation malgré les preuves médicales et les jugements rendus.
  • En 2019, après l’intrusion massive de mineurs artisanaux sur les sites d’extraction de TFM, la société a réquisitionné des centaines de militaires pour expulser ces creuseurs de plusieurs carrières. Les militaires se sont ensuite rendus dans les villages voisins où vivaient ces mineurs et auraient détruit les habitations, tué, torturé et procédé à des détentions arbitraires et des perquisitions illégales. Dans la nuit du 22 juillet 2019, aux alentours de 22 heures, les militaires ont mis le feu à quelques cases qu’ils pensaient habitées par des mineurs artisanaux. Dans l’une d’elles dormait Romulus ILUNGA MWEPU, un enfant de 2 ans (photographié à droite), grièvement brûlé avant d’être secouru. L’enfant a été hospitalisé en soins intensifs pendant un mois. Son père a tenté à maintes reprises de contacter la compagnie pour obtenir un dédommagement au nom de son fils, mais ses efforts auraient été vains.

AFREWATCH s’efforce d’aider les victimes d’abus à obtenir justice. Les obstacles sont cependant légion en RDC et les victimes n’ont généralement pas accès à des voies de recours.

La mine de plomb de Kabwe (Zambie), 1981 (photo : Aspix/Alamy)
Local people including children at Kabwe
Des membres de la population locale de Kabwe, dont des enfants (photo : Blacksmith Institute)
Kabwe (photo : Larry C. Price)

En janvier 2021, AFREWATCH a adressé une lettre au Comité des droits de l’enfant (CDE) des Nations Unies, le priant de prendre en main le problème de la contamination par le plomb de l’ancienne mine de Kabwe (Zambie) qui continue de nuire à la santé des enfants. En service entre 1904 et 1994, cette mine a recouvert une grande partie du secteur de poussière de plomb émanant des fonderies, poussière qui demeure présente dans le sol à ce jour. Un rapport publié par Human Rights Watch en 2019 au sujet de Kabwe déclarait : « Chez les enfants, l’exposition à de fortes concentrations de plomb sans traitement peut causer des handicaps ou difficultés d’apprentissage, des troubles du comportement, des problèmes de croissance, une anémie, des lésions cérébrales, nerveuses, hépatiques, rénales et stomacales, un coma et des convulsions, ou même la mort. Après une exposition prolongée, les effets sont irréversibles. Le plomb augmente également le risque de fausse couche et peut être transmis via le placenta et l’allaitement. » Des études médicales ont continué de révéler une plombémie très élevée chez de nombreux jeunes enfants à Kabwe. Un recours collectif pour empoisonnement au plomb au nom d’un groupe susceptible de dépasser 100 000 enfants et femmes en âge de procréer de Zambie a été déposé contre Anglo American South Africa Limited, qui aurait contrôlé la mine de 1925 à 1974. Dans sa lettre au Comité des droits de l’enfant, Emmanuel Umpula (Directeur exécutif d’AFREWATCH) a écrit : « La situation à Kabwe est des plus préoccupantes et nous implorons le CDE d’enquêter sur les plaintes à l’encontre d’Anglo American par les demandeurs du recours collectif. C’est la conduite d’Anglo American pendant ses 50 années de gestion et de contrôle de la mine qui a mené aux conditions actuelles, qui exposent d’innombrables enfants à des risques graves, voire mortels. L’inaction d’Anglo American face aux ravages qui continuent d’être causés à la santé et à l’environnement des communautés de Kabwe est en contradiction avec les engagements publics pris par cette même société. La situation doit changer immédiatement. »

 

Le large éventail de dossiers traités par AFREWATCH dans le domaine des droits humains et de l’environnement est illustré par ses nombreux rapports, articles et communiqués de presse (disponibles sur son site), dont :

Les ONG des droits humains et de développement qui se sont associées à AFREWATCH, parfois dans le cadre d’études ou de la préparation de rapports, sont la Coalition Africaine pour la Redevabilité des Entreprises, Amnesty International, Bank Information Center, Réseau-DESC (le Réseau international pour les droits économiques, sociaux et culturels), Pain pour le prochain, RAID (Rights and Accountability in Development) et SOMO (le Centre de recherche sur les multinationales).

En 2014, le directeur d’AFREWATCH Emmanuel Umpula était l’orateur principal de la 5e édition de la conférence annuelle « Mary Robinson Speaker Series », organisée à New York par le Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme et accueillie par la Fondation Ford. Emmanuel, présenté par Mary Robinson (ancienne Haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et présidente de la République d’Irlande), a également pris part à une discussion avec Mary et d’autres experts de la société civile, du secteur privé et du secteur public sur le thème « Gérer la richesse des ressources du Congo : du pillage à une prospérité partagée ? ».

Liste complète des nominations pour le prix 2021

Liste des organisations nominées pour le Prix Entreprises et Droits Humains 2021 par les membres du comité consultatif de la fondation. Chacune de ces organisations réalise un travail fondamental et mérite une reconnaissance internationale.

À propos de la fondation :

La Fondation du Prix Entreprises et Droits Humains est une fondation indépendante à but non lucratif. Afin de préserver son indépendance, elle n’accepte aucun don de la part de gouvernements ou d’entreprises. Cette page présente les membres du comité consultatif de la fondation, originaires des quatre coins du monde. Contact : contact@humanrightsandbusinessaward.org

AFREWATCH est le quatrième lauréat du prix annuel. Les lauréats précédents sont :

2020 : Migrant Workers Rights Network (MWRN) (Thaïlande)

2019 : Al-Haq (Palestine)

2018 : Justiça nos Trilhos (Brésil)